Antoine Duplan sur «Heimatklänge»

Les Suisses ayant tendance à se détester, le jodel est un objet de ressentiment qu’ils associent au pire du folklore. Ce chant immémorial est pourtant aussi puissant que le blues du delta ou le qawwali de la tradition soufie. Spécialiste du documentaire musical («A Tickle in the Heart», «L’Accordéon du Diable»), Stefan Schwietert le démontre dans «Heimatklänge» à travers trois figures du jodel progressiste. Christian Zehnder improvise des modulations incantatoires. Erika Stucky fait la folle sur scène mais, sous l’exubérance, «des trucs archaïques bouillonnent». Issu d’une dynastie de musiciens traditionnels, Noldi Alder s’émancipe pour se diriger vers des expérimentations sonores avant-gardistes. A travers leurs chants paléolithiques, les trois artistes réveillent les énergies telluriques des religions païennes. Ce cri primal monté du fond des âges donne à entendre la voix des morts. Il proclame la splendeur minérale et l’insondable profondeur de la Suisse. «Heimatklänge» pulvérise l'imagerie de carte postale pour plonger dans l'âme granitique des Alpes.