Matthias Lerf sur «Heute Nacht oder nie»

En 1973, aux Journées cinématographiques de Soleure, encore jeunes, pratiquement aucun film ne s’est heurté à autant d’incompréhension que «Heute Nacht oder nie». C’était le temps où les réalisateurs suisses se proposaient de représenter exactement la réalité ; où l’on débattait par exemple pour savoir si l’on osait utiliser la musique de film ou si celle-ci ne détournait pas l’attention de l’essentiel.

Et c’est dans ce climat qu’a débarqué le natif des Grisons Daniel Schmid, un cinéaste qui travaillait avec des airs d’opéra et des chansons kitsch à la mode. Et qui semblait tourner en ridicule la révolution dont plus d’un rêvait.

Schmid raconte le déroulement d’une soirée au cours de laquelle, une fois par année, les rôles sont inversés : à table, les maîtres servent les valets, qui participent à un véritable banquet et sont magnifiquement divertis. Certes, un personnage en appelle à la révolution mais son discours est immédiatement étouffé par la rigidité du rituel. A la fin, tout rentre dans l’ordre. Soleure a fulminé. Et aujourd’hui ? «Heute Nacht oder nie» séduit par la lenteur enjôleuse de la narration. Et par la beauté encore et toujours révolutionnaire de l’image et du son.